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Actes du colloque "Les retables en Périgord"


Bulletin de la Société Historique

et Archéologique du Périgord

Tome CXLV - 2018-2. 264 p.

« Les retables du Périgord », tel était le titre du colloque tenu le 8 octobre 2016 en la cathédrale Saint-Front de Périgueux, que le Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Périgord a accueilli en première partie de sa livraison de juin 2018.

Précédée d’un Avant-propos signé Serge Laruë de Charlus, responsable du Conservatoire diocésain d’Art Sacré de Périgueux, ce sont six communications qui constituent, à partir d’exemples pertinents une synthèse de l’art du retable et de sa diffusion en plein âge baroque dans le Périgord qui se reconstruit après les dévastations des guerres de Religion, particulièrement iconoclastes dans une province tiraillée entre fidélité au Catholicisme et adhésion militante à la Réforme.

Dans le premier texte, « Les retables de Périgueux : histoire, iconographie, destinée », Olivier Geneste, auteur d’une thèse remarquée qui a fourni la matière à l’ouvrage « Trésors baroques en Périgord : mobilier et décor des églises de Dordogne (XVIIe-XVIIIe s.) », publié la même année que le colloque de Périgueux, a fait le choix d’étudier deux retables majeurs, celui de la Grande Mission, aujourd’hui exposé dans l’ancienne cathédrale Saint-Étienne de la Cité, et celui de la chapelle des Jésuites, qui a trouvé son juste emplacement dans le chœur de la cathédrale Saint-Front, après avoir pérégriné en divers emplacements.

La démarche adoptée par l’auteur est la même dans les deux cas. Présentation du retable, conditions de sa commande, indication concernant le sculpteur : François Béchet pour le Grande Mission, Charles Belleville, frère co-adjuteur, pour la chapelle des Jésuites, analyse de l’iconographie et des péripéties diverses de ces grands objets mobiliers, si peu mobiles et pourtant si fréquemment déplacés. Charles Belleville centre l’iconographie du retable monumental de la chapelle des Jésuites sur les scènes de la Vie de la Vierge, de l’Annonciation à sa présence au pied de la Croix de son Fils et jusqu’à son Assomption qui occupe le corps central du retable. François Béchet, quant à lui, inscrit le retable sculpté pour les Pères de la Congrégation de la Mission de Périgueux dans une approche liée à la piété locale avec la statue en ronde bosse de saint Front, des épisodes de la vie du premier évêque de la cité avec la représentation exacte des monuments emblématiques de son histoire : la tour de Vésone et la cathédrale Saint-Étienne de la Cité.

Avec « Retable baroque et colonne torse. Archéologie d’un symbole », Dominique Peyre propose au lecteur une passionnante analyse centrée sur l’origine dans l’Orient antique, l’emploi de la colonne torse dans le monde romain et son développement au Moyen Âge, et enfin son utilisation dans l’art baroque avec l’effet solennel obtenu par les colonnes du Bernin supportant le baldaquin de la basilique Saint-Pierre à Rome. L’auteur résume ainsi son analyse en conclusion : « La colonne torse, symbole polysémique de la conciliation des contraires, de la conjugaison du multiple, du dépassement des contradictions qui paralysent, par l’énergie qu’elle développe, instaure un lien dynamique entre le passé et le présent en même temps qu’elle ouvre sur l’avenir ».

Barbara Sibille, après une mise au point historique bienvenue sur la notion de « mobilier baroque en Dordogne : une invention tardive », analyse les exemples de restauration de deux ensembles baroques à Prats de Carlux (2013-2014) et Varennes (2014-2015) dans un exposé précis, qui s’appuie sur des photos avant, parfois pendant, et après restauration.

Le Père Jean-Marc Nicolas aborde la problématique du retable baroque comme « objet » de contemplation, dans la perception lumineuse qui est la sienne, avec un sens très aigu du retable baroque en tant que support et stimulation de la contemplation où se rejoignent les grands saints tridentins que sont saint Jean de la Croix, sainte Thérèse d’Avila et saint Ignace de Loyola, trois mystiques espagnols au tempérament de feu qui ont irrigué la création artistique contemporaine de leur idéal contemplatif.

La réflexion du Père Nicolas se déploie en quatre étapes successivement intitulées : Sens théologique et liturgique, le Baroque entre exubérance et angoisse, l’art baroque et son sens religieux, la représentation et la contemplation chez saint Ignace. Il conclut sa trop brève étude ainsi : « Donc, s’il n’y a pas de « style jésuite », il y a eu une doctrine de la Vision et du sens du Regard portée par les Jésuites, pour signifier une fécondité des formes ».

Le second texte d’Olivier Geneste rend justice à ce bel artiste trop méconnu, Jean Chaminade, sculpteur dont l’œuvre semble concentrée presque exclusivement au cœur du territoire de l’ancien diocèse de Périgueux et qui manifeste dans ses choix iconographiques – à moins que cela ne soit la préférence des commanditaires – une inclination envers le culte des saints.

Enfin, le dernier texte rédigé par le Père Nicolas attire avec justesse l’attention sur une porte dite des « pains d’oblation » provenant de la chapelle des Jésuites et conservée au Musée du Périgord. Son ancrage dans l’Ancien Testament permet d‘approcher une typologie (était-elle alors propre aux Jésuites dans son orientation ?) mettant en relation un aspect de la liturgie juive dans le Temple de Jérusalem et la célébration eucharistique, telle que le Concile de Trente en a repensé les modalités notamment en matière d’espace liturgique. L’auteur met en relief le symbolisme de la porte avec le « passage » comme symbole éminent de la foi juive ancrée dans la répétition mémorielle du passage de la Mer Rouge. On souhaiterait qu’il puisse aborder de nouveau cet aspect fondamental, à savoir cette porte des « pains d’oblation » introduisant dans l’église, comme image de la Jérusalem céleste, où il n’y a plus de temple comme l’annonce le livre de l’Apocalypse 21, 22, dont les versets précédents étaient justement consacrés à la présentation des douze portes de la cité sainte.

La démarche initiée en ce colloque de Périgueux constitue, à n’en pas douter, une porte ouverte sur de nouvelles recherches, même si comme la porte de la chapelle des Jésuites arrachée à son emplacement d’origine, elles semblent parfois ouvrir plus encore sur des interrogations. Le retable baroque comme porte vers la contemplation pourrait fournir la thématique à un prochain colloque. Le retable des Jésuites dans la cathédrale Saint-Front pourrait en fournir l’introduction magistrale avec l’Assomption de Marie au ciel, elle qui est porta caeli, porte du ciel où elle entre dans sa gloire.

Pour se procurer le volume : www.shap.fr


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