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Nous avons lu, nous avons aimé : Notre-Dame des siècles. Une passion française


Sous le beau titre Notre-Dame des siècles. Une passion française, Mathieu Lours publie au CERF son dernier opus magistral. Le visuel de couverture, particulièrement bien choisi, montre la grande Rose du Midi, dont les pétales s’ouvrent autour de la Vierge et de l’Enfant, moyeu central autour desquels tournent les siècles et les générations. Le Soleil de Justice illumine encore de sa clarté les ténèbres de la nuit où tout s’est consumé un noir soir d’avril.


En 8 chapitres, ce livre porteur d’espérance décrit un destin : l’espérance d’une restauration complète de la plus belle des cathédrales gothiques et le destin mêlé, imbriqué intimement, de Notre-Dame, de Paris et de la France.


Dès les premières lignes de l’introduction, l’auteur synthétise le caractère spécifique de son approche plurielle : « Notre-Dame de Paris est à la fois un traité de théologie catholique, un roman fantastique et un livre d’histoire. C’est sur cette dernière réalité que ce livre se propose de s’attacher. Non pas tant l’histoire de la cathédrale, mais la cathédrale dans l’histoire. » Tâche immense que de retracer cette histoire longue qui est celle des fiançailles de Notre-Dame avec le génie de la France tout au long des siècles qui l’ont forgée comme nation, culture et mémoire.


Les quatre premiers chapitres retracent les liens personnels des souverains avec Notre-Dame et la dimension qu’elle acquiert progressivement comme centre spirituel du royaume. Le chapitre Ier aborde « L’EcclesiaParisiensis avant Notre-Dame, l’église d’un nouveau royaume, Ve-XIIe siècle ». Il analyse les raisons du soutien appuyé des rois mérovingiens, puis des souverains carolingiens à l’église épiscopale de Paris. Trois sous-parties précisent les enjeux de chaque époque : « Une cathédrale héritée de l’Empire », « Notre-Dame : un enjeu pour la légitimité du pouvoir mérovingien », et « La cathédrale parisienne et la Renaissance carolingienne ». Le chapitre II « La cathédrale de la monarchie capétienne, XIIe et XIIIe siècles » est fondamental pour la compréhension de la place spécifique que Notre-Dame va occuper ensuite au fil des siècles dans l’histoire de France, alors même que Paris ne sera élevé comme métropole religieuse en tant qu’archevêché seulement en 1622. L’auteur scrute les raisons qui ont poussé l’évêque Maurice de Sully à reconstruire Notre-Dame : « la cathédrale témoigne d’une réflexion sur la nature du pouvoir de l’Église et du roi ». Elle donne à voir et à méditer un certain nombre d’images du pouvoir : « Notre-Dame est le lieu d’exercice du pouvoir. Toutefois, les images présentes dans la cathédrale sont conçues et disposées suivant la pensée du clergé et présentent donc une vision de la royauté comme pendant et complément d’un pouvoir religieux qui dicte ses normes morales et contextualise son rôle dans la société chrétienne. »


Le chapitre III « Une église au cœur de la naissance d’idée nationale, Dans les tourmentes des XIVe et XVe siècles » va souligner deux points importants : le lien entre Notre-Dame et le gallicanisme fortement insufflé par Philippe le Bel et le rôle qu’assume la cathédrale parisienne comme « un lieu de défense de l’identité française pendant la Guerre de Cents Ans ». Charles VII en faisant son entrée à Paris vient prêter serment à Notre-Dame qui « devient l’église de la réconciliation entre la ville et le roi et le lieu d’affirmation de l’unité retrouvée du royaume ». Isabelle Romée, mère de Jeanne d’Arc vient à Notre-Dame « pour demander la réhabilitation de sa fille par l’évêque de Paris ». Ce n’est pas une démarche anodine. Mathieu Lours insiste en effet sur sa dimension symbolique : « C’est là que Jeanne d’Arc est reconnue en tant qu’héroïne non seulement par la justice ecclésiastique et civile, mais, aussi, d’une certaine façon, par une autorité et en un lieu qui incarne quelque chose de ce qui allait devenir la nation. L’édifice s’inscrit désormais dans l’histoire d’une grande épreuve nationale, au sein d’une capitale où se joue de plus en plus le sort politique du royaume. »


Le chapitre IV aborde « Notre-Dame, ‘la paroisse de l’Etat’ sous la monarchie absolue, De la Renaissance aux Lumières ». Pendant cette période longue, « Notre-Dame devient un édifice fondamental dans la construction de la monarchie absolue et du renforcement de l’État en France ». Le Vœu de Louis XIII fait de la Vierge la patronne de la France, du souverain et de ses sujets. « Le roi souhaite manifester l’unité de son royaume et le rétablissement de son autorité par une consécration à la Vierge, et faire de Notre-Dame le sanctuaire qui perpétue la mémoire de son vœu. La cathédrale de la principale ville du royaume devient ainsi un sanctuaire dynastique et national, par la mise en place de rites que l’ensemble des cathédrales du royaume doivent adopter. » La traduction monumentale de ce Vœu est décidée par Louis XIV en faisant appel aux plus grands sculpteurs de son règne : « Il s’agit non seulement d’honorer les volontés de son père, mais aussi de rappeler le lien entre le trône et l’autel et le rôle d’intercession de Marie dans la monarchie de droit divin et ce dans l’église où se déroulent la plupart des célébrations liées aux évènements regardant le règne des rois, à l’exception de leur sacre et de leurs funérailles. »


Les quatre chapitres suivants sont probablement les plus novateurs de tout l’ouvrage et ceux qui opèrent une synthèse rarement aussi nourrie historiquement. Le chapitre V « Notre-Dame en Révolution, Espoirs, épreuves et renaissance de l’église nationale » met en lumière des moments dramatiques de notre histoire nationale et leurs répercussions sur Notre-Dame. « De 1789 à 1801, le rôle de Notre-Dame dans la constitution d’une nouvelle identité nationale s’opère dans l’espoir et dans la douleur. La cathédrale passe successivement de lieu de célébration de la souveraineté nationale dans le cadre d’une monarchie, à théâtre des cultes révolutionnaires, avant d’être laissée à l’abandon et peu à peu reconquise par le culte et le pouvoir. » Après avoir chassé le clergé constitutionnel, la Convention ordonne les célébrations de la Liberté et de la déesse Raison... dans le cadre d’un culte décadaire, le calendrier révolutionnaire ayant remplacé le calendrier grégorien et la semaine de sept jours.


Le chapitre VI « Une cathédrale pour l’Empire, Napoléon et Notre-Dame ». Le moment le plus fort symboliquement comme politiquement est le sacre de Napoléon, le 2 décembre 1804, qui intervient après le Concordat de 1801 et la réconciliation officielle entre l’État français et l’Église catholique. Le sacre impérial par le pape Pie VII « inaugurait un nouveau siècle pour la cathédrale : celui de cérémonies dynastiques et nationales inscrites dans les traditions de l’Ancien Régime, dans les héritages de la Révolution d’avant 1792, mais empreintes de l’idée de nation et de l’esprit du romantisme. Napoléon, à Notre-Dame, se trouve ainsi à l’articulation de deux mondes, exprimant une synthèse et des ambitions nouvelles. » Le chapitre VII analyse Notre-Dame comme « La cathédrale de la Nation, entre rois, empereurs et Républiques ». Un paragraphe introductif synthétise la place que continue d’occuper Notre-Dame dans la vie du pays. « Dans les rapports entre Notre-Dame et la France, le XIXe siècle est déterminant. Les acquis croisés de l’Ancien Régime, de la révolution et de l’Empire ont pour dénominateur commun une cathédrale qui reste, comme cela était le cas depuis un millénaire et demi, le siège du diocèse de Paris et le principal sanctuaire de la capitale. Elle demeure la ‘paroisse de l’Etat’, même si celui-ci se pense désormais de plus en plus indépendant de la légitimation religieuse, et devient un temple de la nation au nom de l’histoire, des arts, et de la littérature. Cette cathédrale nationale se veut désormais – et encore aujourd’hui –, un objet culturel, reconnu comme tel par-delà son strict usage cultuel et politique. »


Le dernier chapitre loin d’être simplement conclusif ouvre de larges perspectives sur le renouveau et la place de Notre-Dame dans un monde qui se rétrécit à l’échelle d’un village commun, où toutes les actions et les épreuves interagissent. Le titre de cette dernière partie le souligne éloquemment « Notre-Dame entre Nation et Mondialisation ». L’auteur rappelle le rôle de la cathédrale et sa fonction dans l’imaginaire national pendant les conflits mondiaux qui ont ensanglanté le XXe siècle, et notamment la visite historique du Général de Gaulle à l’occasion d’un Magnificat célébrant la Libération en 1944. La cathédrale reste le lieu des obsèques des grands hommes de la France, comme celles du maréchal Foch en 1929, du général de Gaulle en 1970, celles de Georges Pompidou en 1974, ou de François Mitterrand en 1996.


Mathieu Lours mentionne enfin le renouveau de la vie religieuse, incarnée par Notre-Dame après le Concile Vatican II, et sa place réaffirmée dans la société française : « la cathédrale est un lieu de médiation entre l’Église et la société, entre l’Église et l’État, ainsi qu’un lieu d’articulation entre l’Église de France et le Saint-Siège. L’utilisation diplomatique de Notre-Dame passe par des visites de chefs d’État, ainsi que de personnalités des arts et de la culture. Les visites du pape prennent de toute évidence une dimension particulière. Chef de l’Église catholique, il est aussi un chef d’État, conduisant le clergé et les autorités civiles à l’accueillir ensemble au nom de la France. » Les visites de Jean-Paul II ont marqué le pays durablement.


Le XXIe siècle restera celui du terrible incendie du 15 avril 2019, qui révèle « l’émotion d’un drame planétaire qui frappe un monument emblématique », autour duquel une formidable solidarité s’organise, et concerne toutes les couches de nos sociétés modernes. « Cette union sacrée et cet émoi mondial se traduisent par un ravivement du rapport entretenu entre la cathédrale et le chef de l’État français. Les choix faits par Emmanuel Macron s’inscrivent en effet dans la continuité des héritages politiques de la cathédrale. Il est chef de l’État dans la continuité des rois qui ont honoré la cathédrale. Un État qui est propriétaire de l’édifice. » La restauration, après les polémiques autour des choix – à l’identique ou avec créations modernes – est en bonne voie après que l’on a décidé le rétablissement de l’état antérieur à l’incendie. On espère désormais son achèvement, sinon total en 2024, du moins permettant une réouverture de l’édifice au culte et aux visiteurs impatients de retrouver sa splendeur.


Pour conclure, citons ces dernières lignes de Mathieu Lours : « Aujourd’hui blessée et en voie de renaissance, la cathédrale de Paris est à nouveau placée sous les yeux du monde entier, répondant aux enjeux du XXIe siècle. (…) Elle demeure un lieu où se construisent les mémoires du futur, tant pour les croyants qui y prient avec confiance pour le salut de la France et du monde, que pour la nation française qui, de manière passionnée, entend la transmettre aux générations futures riches des héritages de tant de siècles. Dans les deux cas, depuis près de deux dizaines de siècles, la cathédrale parisienne, sous plusieurs formes architecturales, répond aux désirs conjoints de mémoire et d’éternité. »


Somme intelligente, sensible, documentée historiquement et superbement illustrée, ce dernier ouvrage de Mathieu Lours a la fraîcheur matinale des renaissances. C’est le plus bel hommage offert à Notre-Dame de Paris, si l’on excepte l’ouvrage collectif de la « Grâce d’une cathédrale », depuis le beau livre écrit par Georges Duby, « Le temps des cathédrales ». Grâce à Mathieu Lours, le XXIe siècle sera le Temps de Notre-Dame restaurée en son inaltérable jeunesse. Peut-être, l’auteur nous offrira-t-il un ouvrage exaltant les splendeurs et les trésors de Notre-Dame retrouvée à l’horizon 2024.


Michel Maupoix


>> Plus d'informations sur le site de l’éditeur : Éditions du Cerf.


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